Au début de 2016, il n’est pas inutile de faire le point sur la situation économique de la zone euro, sur la base des dernières données publiées par Eurostat. Il nous permettra également de répondre à plusieurs questions posées par les internautes en suivant ma rubrique « Changer l’Europe, maintenant ».
Commençons par comparer la situation des pays de la zone euro, considérés dans leur ensemble, avec celle des États-Unis.
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Premièrement, la « grande récession » de 2007-2009, initialement provoquée par la crise des subprimes aux États-Unis et l’effondrement de Lehman Brothers en septembre 2008, a été à peu près de la même ampleur en Europe et aux États-Unis. De part et d’autre de l’Atlantique, le niveau d’activité économique a chuté de 5 % entre fin 2007 et début 2009, ce qui en fait la pire récession mondiale depuis la crise des années 1930.
La reprise débute en 2009, et le niveau de l’activité reprend à peu près le même niveau entre fin 2010 et début 2011 qu’à la fin de 2007. C’est alors qu’en 2011-2013, il y a eu une nouvelle reprise de l’activité dans la zone euro, tandis que la reprise s’est poursuivie discrètement aux États-Unis. La croissance a finalement repris timidement début 2013 en Europe, mais le mal est déjà fait : fin 2015, le PIB de la zone euro n’a pas encore dépassé son niveau de fin 2007, tandis que les États-Unis ont connu une croissance cumulée de plus de 10 % entre 2007 et 2015. Compte tenu de la croissance démographique lente mais positive, en particulier en France, il ne fait aucun doute que le niveau du PIB par habitant dans la zone euro sera plus bas en 2016-2017 qu’en 2007. Une décennie perdue, en quelque sorte : quelque chose qui n’a jamais été vu depuis la Seconde Guerre mondiale.
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Les raisons de la rechute en Europe de 2011-2013 sont désormais bien connues : alors que les États-Unis ont montré que Con a un relatif Flexibilité budgétaire pour maintenir la croissance, les pays de la zone euro ont tenté de réduire leurs déficits trop rapidement en 2011-2013, avec des hausses d’impôts trop élevées en France, ce qui a entraîné une rupture de la reprise et une hausse du chômage et finalement une augmentation des déficits et de la dette publique qu’ils entendaient réduire.
Pourquoi les Européens se sont-ils si mal coordonnés, transformant une crise du secteur financier privé américain en crise durable de la dette publique européenne ? Certainement, parce que les institutions de la zone euro n’ont pas été conçues pour faire face à une telle tempête. Une monnaie unique avec 19 dettes publiques différentes, 19 taux d’intérêt sur lesquels les marchés peuvent spéculer librement, 19 impôts sur les sociétés en concurrence débridée les uns avec les autres, sans base sociale et éducative commune, cela ne peut pas marcher. Peut-être aussi, surtout, parce que la montée de l’égoïsme a empêché les Européens d’adapter leurs institutions et leurs politiques. Plus précisément, lorsque les marchés financiers ont commencé à spéculer sur la dette des pays du sud de l’Europe, à partir de 2010-2011, l’Allemagne et la France, au contraire, ont bénéficié de taux d’intérêt historiquement bas et se sont lavés les mains parce que la partie sud de la région était en récession.
De ce point de vue, le graphique suivant est édifiant :
On constate que la moyenne de la zone euro cache des réalités très différentes entre les pays de la zone. Alors que l’Allemagne et la France ont relativement mieux réussi (avec un retard de croissance important aux États-Unis), la guérison de l’austérité, l’explosion des taux d’intérêt et la crise de méfiance dans le secteur financier ont fait des ravages en Italie, en Espagne et au Portugal.
Le cas le plus extrême est bien sûr celui de la Grèce, dont le niveau d’activité économique se maintient soit un quart de moins qu’en 2007 :
Que faire aujourd’hui ? Je ne vais pas répéter ici les arguments développés dans « Change Europe, Now » : conférence des pays de la zone euro pour décider d’un moratoire sur les remboursements et d’un processus de restructuration de la dette (comme cela s’est produit en Europe dans les années 1950, dont l’Allemagne a notamment bénéficié) ; renégociation du budget du traité de 2012 pour enfin, introduire la démocratie et la justice fiscale.
La vérité, et ce que ces quelques graphiques illustrent très clairement, c’est qu’il est inutile de demander aux pays dont le niveau d’activité est inférieur de 10 ou 20 % à ce qu’ils étaient il y a 10 ans de générer des excédents primaires de 3 ou 4 % du PIB. Cependant, c’est ce que les institutions de la zone euro, dirigées par l’Allemagne et la France, continuent de demander à la Grèce, au Portugal et à l’ensemble du sud de l’Europe (comme cela a malheureusement été confirmé lors du sommet européen catastrophique) du 4 juillet, qui n’a fait que pousser la question de la restructuration de la dette et maintenu des objectifs irréalistes d’excédents budgétaires, qui ont tous décrété une vente des actifs publics grecs, à des prix nécessairement cassés dans le contexte actuel).
Au contraire, la priorité absolue aujourd’hui devrait être d’instaurer un moratoire sur la dette tant que le niveau d’activité et d’emploi n’est pas revenu au niveau correct. Si nous ajoutons à cela que nous aurions besoin de la mobilisation de tous, et en particulier de l’Europe méridionale, pour être unis et coopérer face à la crise des réfugiés, alors la stratégie européenne actuelle est une question de suicide véritable et d’irrationalité collective.